En Suisse, les demandes d’asile ont chuté depuis 2015 et le SEM bâcle la procédure accélérée — Le temps des réfugiés

A Lesvos, où près de 20’000 réfugiés sont retenus dans des conditions dégradantes et dangereuses, la police grecque se rabaisse à devoir confronter la colère des réfugiés avec des gaz lacrymogènes, même à l’encontre de jeunes femmes et d’enfants.

En Méditerranée les gardes-côte libyens les accostent pour les retourner de force en Libye avec la complicité et l’assistance de l’Union européenne et de l’Italie. En Hongrie, la police les repousse à la frontière serbe et place les requérants d’asile dans des centres de transit fermés le temps de la procédure. 

Voilà qui explique pourquoi les demandes d’asile en Suisse sont au plus bas depuis douze ans. 14’269 nouvelles demandes d’asile en 2019, représentent 6,5% de moins qu’en 2018, 27% de moins qu’en 2017, 91% de moins qu’en 2016 et 176% de moins qu’en 2015.

C’est si bas que que Madame Karin Keller-Sutter annonçait, en septembre dernier, la fermeture de plusieurs centres d’hébergement.

Historique de l’évolution des demandes d’asile, asile.ch.

 

Et la Suisse n’attire plus. C’est ce qui est dit dans le commentaire statistique. Les personnes arrivant à la frontière tessinoise ne souhaiteraient pas venir en Suisse mais simplement poursuivre leur chemin vers l’Allemagne ou la France. 

Une procédure trop accélérée qui fini par se prolonger

En ce début d’année, le Secrétaire d’Etat aux migrations (SEM) crâne et clame les succès de la nouvelle procédure en vantant sa rapidité et le fait qu’elle a “boosté” les départs volontaires car ce qui est important, comme il l’a rappelé, c’est que la Suisse ne devienne pas un pays attractif pour les personnes qui n’ont pas besoin de protection. Il oublie de mentionner les 4’010 personnes qui ont disparu dans la nature. Tout n’est pas rose. D’ailleurs l’accélération de la procédure a poussé le SEM à rendre beaucoup de mauvaises décisions sur la base d’un examen trop souvent superficiel.

Les juristes actifs dans les centres fédéraux déplorent un nombre important de décisions bâclées et le Tribunal administratif fédéral aussi. Depuis l’entrée en vigueur de la procédure accélérée en mars 2019, 35% des décisions ont fait l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif fédéral (TAF), un taux bien plus élevé qu’en 2018 (28,1%) ou en 2017 (25,3%). On dit souvent que le bon marché coûte cher. Ici la procédure d’asile accélérée rallonge. 

Précisions de l’OSAR, CARITAS et Vivre ensemble

Heureusement, les organisations spécialisées dans l’assistance juridique aux requérants d’asile ont tempéré les déclarations du SEM. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) a dénoncé un système qui privilégie la rapidité au détriment de l’équité alors que CARITAS Suisse pointe du doigt les décisions qui ne tiennent pas compte de la situation médicale des requérants. 

Parfois la procédure va tellement vite que le corps médical ne peut pas poser un diagnostic à temps”, explique à la RTS Sofia Amazzough, juriste de CARITAS Suisse au centre fédéral de Boudry.  

Un Fact-checking sur les ratés de l’accélération des procédures de Sophie Malka examine les carences d’une procédure menée tambour battant et permet de comprendre ce qui doit être améliorer.

Facteurs exogènes de la baisse des demandes d’asile

Le commentaire statistique est une soupe de chiffres et de termes qui ne s’épanche pas sur les raisons de la baisse des nouvelles entrées en Suisse mais l’avertissement du SEM est là entre les lignes: les “principaux facteurs d’évolution des demandes d’asile en Suisse” dépendent surtout de la politique de l’Union européenne et de ses pays membres. 

On pense à l’Italie et son pacte avec la Libye juste renouvelé, à l’Union européenne qui finance les gardes-côtes libyens, à la Grèce qui utilisent ses îles comme des prisons à ciel ouvert alors que rien ne l’y oblige même pas l’accord de mars 2016 avec la Turquie, on pense aussi aux arrangements pratiques de surveillance entre l’Espagne et le Maroc. 

La Suisse ne contrôle pas grand chose et tout peut changer très vite. Elle ferait donc bien de garder profil bas et proposer des mesures pour améliorer le système d’asile européen dont elle fait partie. 

Lire aussi: Asile: «Les autorités privilégient la vitesse à l’équité des procédures»

Billet publié via En Suisse, les demandes d’asile ont chuté depuis 2015 et le SEM bâcle l’examen des demandes — Le temps des réfugiés

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