Eviter les recours aux instances internationales est possible !

Pour ne pas être contredit par la Cour européenne des droits de l’homme ou par le Comité contre la Torture, deux instances internationales dont la Suisse a accepté d’obéir aux décisions, l’Office des migrations (ODM) et le Tribunal administratif fédéral (TAF) doivent mieux tenir compte de l’actualité sur le terrain dans les pays d’origine d’où proviennent les requérants d’asile et de la réalité endurée par les réfugiés pour faire le voyage vers la Suisse.

Les sources d’informations sur les violations des droits de l’homme sont nombreuses. Elles sont accessibles et régulièrement actualisées sur des sites spécialisés tel que http://www.refworld.org et http://www.ecoi.net. Ces sites sont connus des autorités d’asile et pourtant ils semblent trop peu consultés.

Les bureaux de consultation juridiques suisses (BCJ) constatent que les décisions négatives et les renvois sont décidés sur la base de rapports désuets, de jurisprudence datées qui ne reflètent plus la situation sur le terrain. Les recours au TAF rédigés par les représentants juridiques des requérants déboutés contiennent souvent de longues listes de rapports actualisés qui donnent des informations précises sur la situation des droits de l’homme dans les pays d’origine.

Mais le TAF en tient rarement compte. Au contraire, si le TAF peut ordonner des renvois sur la base d’une ancienne décision de la CourEDH, même si celle-ci date de plusieurs mois, il le fera.

C’est ainsi qu’en juillet 2012, le TAF ordonne le renvoi d’une tamoule qui avait combattu et travaillé comme journaliste pour l’armée LTTE durant 20 ans, en se basant sur un arrêt de la CourEDH (Arrêt E.G. c. Royaume-Uni, no. 41178/08, 31 mai 2011) dont l’examen de la situation sur le terrain s’était fait sur la base de rapports datant principalement de 2010 et 2009. Or depuis 2011, la situation dans le nord du pays s’était beaucoup détériorée et malgré les nombreux abus à l’encontre de la communauté tamoule dans le nord du pays, abus dénoncés par des organisations de référence telles que Human Rights Watch, Amnesty International, International Crisis Group, Freedom from Torture et rapportés par des requérants d’asile en Suisse, les autorités d’asile n’en ont pas tenu compte. Déboutée par l’ODM, puis deux fois par le TAF qui refusent de tenir compte de son passé actif au sein des LTTE malgré les documents probant remis aux deux instances, la requérante soumet une pétition au Comité de la Torture en décembre 2012 car elle craint d’être interrogée et torturée à son retour au Sri Lanka. Dans ses observations au Comité contre la Torture en juin 2013, le Département fédéral de la justice (DFJP) maintient sa position initiale et rejettent en bloc l’argumentaire de la recourante. Or un mois avant, deux tamouls renvoyés de Suisse au Sri Lanka avaient été emprisonnés à leur arrivée. Admettant une grosse bavure, l’ODM ordonnait un moratoire sur tous les renvois vers le Sri Lanka en septembre 2013 et publiait les conclusions d’un rapport d’enquête dirigé par le Professeur Walter Kälin.

Ce dernier recommandait que les autorités d’asile prennent mieux en compte les informations concernant le pays d’origine du requérant. Il recommandait aussi que les collaborateurs de l’ODM soient mieux formés pour prendre les bonnes décisions. Sur la base de ces recommandations, l’ODM procéda à un réexamen de 7 cas soumis au Comité contre la Torture pour finalement leur donner en juin 2014 le statut de réfugié et l’asile. Il va sans dire que les juristes ont eu raison de poursuivre leur mandat de représentation pour ces personnes indigentes qui ont reçu une assistance gratuite tout au long de la procédure.

Le mépris des autorités d’asile pour la réalité du terrain se traduit tous les jours dans des décisions qui ignorent trop souvent les risques pour les personnes renvoyées dans leur pays d’origine. En prenant compte des rapports qui précisent les faits de violence au cas par cas et avec beaucoup de détails, en se référant à des jurisprudences récentes provenant même d’autres tribunaux européens, l’ODM et le TAF seraient à même de prendre des décisions justes qui ne nécessiteraient pas de recours auprès d’instances internationales.

Une réflexion sur “Eviter les recours aux instances internationales est possible !

  1. Je suis désolé. Votre argumentaire serait intéressant si la CEDH statuait sur la base de l’état de fait arrêté par les tribunaux suisses (temporel). Or elle prend des années pour statuer et se base sur l’état de fait existant au moment où elle statue…

    Mon sentiment est que vous vous servez du débat actuel sur la CEDH pour critiquer (probablement à raison) les mesures d’instruction des autorités suisses. Vous pourriez toutefois le faire de manière plus percutante en mettant en avant des critères de justice et d’équité ; qui sont des normes constitutionnelles suisses. Ils se heurtent toutefois au fait qu’il s’agit d’une procédure administrative et que, donc, la maxime d’instruction est contrebalancée par l’obligation de collaborer de l’administré (le requérant d’asile). Il paraît d’ailleurs juste de lui faire porter le fardeau principal de la preuve puisque c’est lui qui demande quelque chose à un Etat où il n’a aucun lien.

    Voulez-vous par ailleurs vraiment d’un monde où tout le monde serait présumé « persécuté » jusqu’à ce que l’Etat suisse apporte la preuve que tel n’est pas le cas (in dubio pro refugio ? :o)) ) ? c’est cela votre monde rêvé ?

    Sinon, sincèrement, il serait aussi temps que les ONGs s’organisent, chassent les intervenants les moins compétents, et arrêtent de tout attendre de l’Etat. D’un côté, certaines ONGs surchargent les autorités avec des requêtes vouées à l’échec et, de l’autre, elles ne prennent pas la peine de motiver leurs recours avec des expertises et des rapports actualisés. Vous vous étonnez ensuite du résultat ? Tant qu’ils ne réaliseront pas un filtre, les autorités ne pourront donc pas suivre et crouleront sous des piles toujours plus grosses … c’est d’ailleurs que comme cela que le système pénal et civil fonctionnent, car les avocats sont des « auxiliaires de la justice » (expression noble pour dire qu’ils ne sont pas parti du système, mais qu’ils sont conscients qu’ils ne doivent pas pour autant le surcharger), soumis à une surveillance ; pas juste des personnes qui demandent de l’argent pour un travail – souvent professionnel mais pas toujours – et qui s’empressent de critiquer des décisions par voie de presse ou de manifestations.

    Par exemple : Je ne prends aucunement position à cet égard. Mais comment décriveriez-vous personnellement le travail de cette ONG ? Je serais intéressé de vous entendre à ce sujet, sans langue de bois :o)
    http://www.servat.unibe.ch/dfr/bger/140807_2D_57-2014.html

    En d’autres termes, vous souhaitez plus de professionnalisation des autorités ? Pourquoi ne pas commencer par remplacer les mandataires par des avocats spécialisés ? vous verrez, si les arguments sont bien présentés, les formes respectés et les arguments percutants, les autorités n’auront d’autres choix que de suivre. A ce défaut, les honoraires seront si élevées que l’Etat pliera…. Là, par le côté amateur de la défense des requérants d’asile, vous critiquez juste l’image du miroir que vous renvoie les autorités.

    Juste ouvrez les yeux : l’autorité n’est pas tout le problème ; bien au contraire. :o)
    C’est d’ailleurs comme l’OSAR qui a refusé lors de la procédure de consultation l’ouverture de la voie de recours au Tribunal fédéral…. comment pouvez-vous justifier une telle prise de position ?? N’est-ce pas la négation de tous les principes constitutionnels que vous défendez par ailleurs.

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