Renvoi vers le Soudan: La Suisse est condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme

Arrêt « A.A. contre Suisse » (Requête no. 58802/12), Jugement, Cour européenne des droits de l’homme, 7 janvier 2014.

http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-139903

Expulsion illicite de Suisse d’un requérant débouté originaire du Soudan.

Le requérant, A.A. est arrivé en Suisse en août 2004, soutenant qu’il avait dû fuir son village au Soudan à la suite d’une attaque par les Janjawids, la milice locale. Au cours de cette attaque, son père et d’autres villageois sont tués et lui-même maltraité. Il dépose une première demande d’asile en Suisse en 2004 qui est rejetée puis une deuxième demande en 2009 qui est aussi refusée. Entre temps, il est devenu membre actif du Mouvement de libération du Soudan–Unité au nom duquel il fait de multiples interventions médiatiques. En 2009 il en est nommé secrétaire aux droits de l’homme.

Les autorités suisses rejettent sa demande d’asile à deux reprises, en 2004 et en 2012, aux motifs qu’elles ont des doutes sur ses origines – elles ne sont pas convaincues qu’il vienne du Darfour – qu’elles jugent aussi que son récit au sujet de sa fuite du Darfour manque de crédibilité et que le requérant ne coure pas un grand risque d’être persécuté à son retour au Soudan puisqu’il n’est pas connu comme activiste politique. Elles estiment en outre que l’intéressé est devenu actif politiquement en Suisse par calcul, uniquement pour éviter d’être renvoyé vers le Soudan. Pour le TAF l’engagement politique du requérant d’asile avait pour seule motivation l’empêchement de son renvoi vers le Soudan.

La CrEDH n’a pas retenu cet argument, le requérant ayant commencé son engagement politique plusieurs années avant de déposer sa seconde demande d’asile – à un moment où il n’était nullement prévisible qu’il déposerait une seconde demande.

Risques de torture et de mauvais traitements: violation du principe de non-refoulement (art. 3 CEDH)

Invoquant l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants), le requérant a allégué un risque de détention et de torture, une fois renvoyé au Soudan, en raison de ses activités politiques en Suisse. Selon la Cour, les dirigeants de l’opposition et les activistes politiques les plus importants au Soudan sont torturés et subissent un traitement dégradant, tout comme chaque personne qui s’oppose au régime ou est simplement soupçonnée de s’engager en faveur de l’opposition. Le requérant d’asile serait menacé même s’il ne s’agit ni d’un dirigeant de l’opposition ni d’un activiste politique important. Par conséquent, la Cour a estimé que la Suisse violerait, l’article 3 CEDH en cas de renvoi. Dès lors, le renvoi vers le Soudan est illicite.

Pas de violation de l’article 13 Conv.EDH: Procédure irréprochable

L’intéressé a aussi invoqué une violation de son droit à un recours effectif (article 13 en conjonction avec l’article 3 CEDH), car la Suisse n’aurait pas suffisamment évalué les documents présentés et clarifié son identité. Un plainte rejetée par la Cour puisque la Suisse a respecté les règles procédurales dans ce cas précis.

Constat

Comme beaucoup de cas examinés en procédure d’asile, l’examen de la situation de ce requérant met en lumière quelques aspects importants sur lesquels se basent les autorités d’asile pour refusé une demande d’asile:

– incertitude sur la provenance et sur l’origine de l’intéressé,
– l’histoire du requérant n’est pas crédible ou vraisemblable, les activités politiques, religieuse etc. ne sont pas démontrées.
– l’activité politique en Suisse se fait uniquement pour éviter le renvoi (dixit ODM et TAF)
– la situation des droits de l’homme semble permettre un renvoi, rien ne laisse envisager une possibilité de mauvais traitement ou de torture sur la personne concernée.

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