L’Aéroport international de Genève (AIG) prévoit une extension de la zone de transit de 40’000 m2. Ce projet d’extension prévoit le déplacement du bâtiment hébergeant les requérants d’asile loin de la zone de transit, dans un lieu isolé de l’autre côté des pistes d’atterrissages avec un accès limité ou impossible à la zone de transit. Actuellement cette zone où circulent les voyageurs en transit leur est librement accessible et le centre d’hébergement reste ouvert jour et nuit. Le DETEC (Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication) a approuvé le projet d’extension malgré les nombreuses oppositions et l’avis négatif du UNHCR qui estime comme ELISA que le déplacement des requérants d’asile dans un centre fermé avec un accès limité à la zone de transit équivaudrait à de la détention ce qui n’est pas prévu par le droit international et suisse en vigueur.
La construction des trois nouveaux bâtiments (INAD, requérants d’asile, ODM) est prévue au Nord-ouest de l’aéroport, de l’autre côté des aires de stationnement, des pistes de décollage et d’atterrissage et à bonne distance de la zone de transit de l’aéroport. Cet ensemble sera entouré d’une clôture et prévoit une cour extérieure de 302 mètres carrés. Pour permettre aux requérants et aux INAD d’accéder à la nouvelle zone de transit, quatre navettes fixes par jour sont prévues, à raison de deux le matin – 8h et 11h- et de deux l’après-midi – 14h et 17h. Une navette sur demande serait également disponible, notamment pour permettre l’accès des visiteurs.
Les raisons de l’opposition d’ELISA
Pour ELISA ce déplacement des requérants d’asile hors de la zone de transit dans un lieu fermé et isolé équivaut à de la détention. Le droit suisse et le droit internationale ne prévoit pas la possibilité de détenir des demandeurs d’asile en procédure sauf s’ils posent problème pour la sécurité public (1). Auprès des autorités genevoises, de la direction de l’AIG et du TAF, ELISA a donné 4 arguments principaux à son opposition:
1. Les art. 14 et 15 de l’Ordonnance relative à l’exploitation des logements de la Confédération dans le domaine de l’asile (RS 142.311.23), ne permettent pas de délocaliser les requérants d’asile hors de la zone de transit internationale pour les installer de façon permanente sur l’aire Nord comme il est prévu dans le projet. Une délocalisation temporaire serait inévitable mais, à terme, les requérants devraient être logés à l’intérieur de la zone de transit agrandie afin de pouvoir y accéder librement. Le déplacement de l’hébergement des requérants d’asile hors de cette zone, dans un lieu isolé, clôturé et à bonne distance de l’aéroport, serait du point de vue des requérants une sérieuse détérioration de leurs conditions d’accueil et ne serait pas juridiquement conforme à l’Ordonnance.
2. Le nouveau bâtiment serait encerclé de clôtures afin d’empêcher les requérants d’asile d’entrer sur le territoire suisse. L’accès à la zone de transit – qui représente déjà une limitation conséquente à la liberté de mouvement des requérants d’asile – se ferait par navettes. De fait, pour les requérants d’asile qui comptent régulièrement des mineurs non-accompagnés, des personnes âgées, des femmes enceintes, des parents uniques avec enfants en bas âges quelques fois malades, un tel éloignement et un tel isolement équivaudrait à de la détention et serait illicite tant sur le plan du droit international que du droit suisse.
3. Les requérants d’asile retenus à l’aéroport de Zurich-Kloten sont hébergés à l’intérieur de la zone internationale de transit et cela malgré les nombreuses extensions et transformations subies ces dernières années (voir le plan de l’aéroport de Zurich en annexe). En vertu du droit des requérants d’asile à l’égalité de traitement, l’Ordonnance doit s’appliquer de la même manière à l’aéroport de Zurich et à l’aéroport de Genève.
4. Enfin l’éloignement du centre INAD/requérants d’asile porterait préjudice à l’assistance juridique des requérants d’asile.
Avis juridique défavorable du HCR.
En septembre 2013, le Bureau pour la Suisse et le Liechtenstein a rendu sa prise de position intitulée « UNHCR position on the new facilité for réception at the Geneva airport and the rights of asylum-seekers » (UNHCR Office for Switzerland and Liechtenstein, September 2013). Dans ce document, le HCR se prononce contre le projet de relocalisation des requérants à l’extérieur de la zone de transit. Il fait remarquer que l’Ordonnance impose, aux requérants d’asile assignés aux zones de transit, une restriction à la liberté par rapport à ceux qui déposent leur demandent d’asile dans les CEP. Cela soulève déjà un problème au niveau de la détention des requérants d’asile. D’autre part, l’isolement des requérants d’asile dans le nouveau centre projeté par l’AIG, l’accès limité à la zone de transit, les contacts restreints des requérants d’asile avec les utilisateurs de la zone de transit (vendeurs/voyageurs) et l’accès rendu plus difficile aux mandataires et conseillers juridiques, impliquent pour le HCR que les conditions de réceptions des requérants d’asile assigné dans ce nouveau bâtiment pendant une durée maximale de 60 jours s’apparenteraient à de la détention (§20, UNHCR position).
For UNHCR, placement in the new facilities would constitute detention; the additional structural restrictions are in the view of UNHCR not remedied by an increased external space surrounded by barbed wire.
Genève doit s’inspirer de Zurich
Zurich accueille chaque année beaucoup plus de requérants d’asile. Pourtant les nombreuses extensions de l’aéroport de Zurich n’ont pas forcé le déplacement des requérants dont le lieu d’hébergement reste dans la zone de transit. Une extension de 40’000m2 devrait permettre d’allouer 200 m2 aux requérants d’asile d’autant plus que l’aéroport de Zurich a su le faire.
En décembre dernier, ELISA a soumis un recours au TAF.
Lire aussi: Requérants de l’aéroport: le projet qui divise, Valérie de Graffenried, Le Temps 30.12.2014: Article du Temps, 30.12.13 de Valérie de Graffenried
(1) La loi sur l’asile prévoit que les requérants qui déposent une demande d’asile aux aéroports suisses de Genève et Zurich, peuvent être empêchés d’entrer sur le territoire et assignés en zone de transit pour une période maximale de 60 jours dans un logement prévu à cet effet. Les demandeurs d’asile qui arrivent par voie terrestre ne sont pas confinées dans une zone fermées, ils sont invités à se rendre dans un Centre d’enregistrement et de procédures (CEP) dont ils peuvent sortir tout les jours selon des horaires fixes.