Fiche publiée par l’Observatoire Romand du droit d’asile et des étrangers (ODAE)
« Sudar » a été membre active des LTTE pendant près de vingt ans en pratiquant notamment du journalisme et en fréquentant de hauts dirigeants de l’organisation. En 2009, année de la fin de la guerre civile au Sri Lanka et de la déroute des séparatistes tamouls, son mari est tué et son fils sérieusement blessé. En juin de la même année, « Sudar » et son fils tentent de s’enfuir en Inde mais sont arrêtés et emprisonnés par la police. Onze mois plus tard, en mai 2010, elle parvient à sortir du camp de détention grâce à sa famille qui soudoie un gardien. Elle dépose une demande d’asile à l’ambassade suisse de Colombo en juin 2010. Après son audition, elle reste sans nouvelles de l’ambassade pendant plus de vingt mois. Suite à de nombreuses visites à son domicile d’hommes en uniforme et en civil afin de l’interroger, « Sudar » et son fils, par crainte d’être à nouveau persécutés, quittent le Sri Lanka en mai 2012 et déposent une demande d’asile en Suisse.
Moins de trois semaines après, ils reçoivent une décision négative de la part de l’ODM. Les autorités affirment que rien n’indique que « Sudar » ou son fils « soient victimes dans un proche avenir de persécutions au sens de la loi sur l’asile ». Selon l’ODM, « Sudar » n’a pas rendu vraisemblable le fait qu’elle puisse subir des préjudices en raison de son appartenance aux LTTE. Il prononce donc son renvoi, licite au regard de l’article 3 CEDH.
Dans le cadre du recours au TAF, le mandataire déplore le caractère superficiel des auditions et le fait que les autorités n’aient peu, sinon pas, pris en compte les documents (photographies ou vidéo diffusée sur Youtube de « Sudar » ou de sa famille en compagnie des personnalités les plus importantes des LTTE) prouvant le militantisme de longue durée de « Sudar » ainsi que sa fréquentation des hautes sphères de l’organisation. Le TAF s’appuie sur les mêmes arguments que l’ODM et rejette le recours. Le Tribunal ajoute que les preuves sont insuffisantes pour démontrer une persécution individuelle ainsi qu’une appartenance aux LTTE et que plusieurs éléments contredisent l’histoire de « Sudar ». En particulier, le TAF est d’avis que les tampons qui figurent dans le passeport de « Sudar » prouvent qu’elle n’était pas au Sri Lanka mais en Grèce au moment des visites et des interrogatoires des militaires. Une vérification du mandataire au Consulat de Grèce démontrera que les tampons étaient des faux.
« Sudar » demande une révision de la décision du TAF en alléguant qu’il a omis les preuves fournies, ignoré son passé au sein des LTTE et mal examiné les tampons dans son passeport, mais cette demande est jugée irrecevable par le Tribunal. Face à l’épuisement des voies de recours, le mandataire, secondé par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), soumet, en décembre 2012, ce cas au CAT. L’argument principal souligne qu’un renvoi au Sri Lanka constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture ratifiée par la Suisse en 1986, la situation étant alarmante pour les ex-LTTE selon bon nombre d’observateurs (Human Rights Watch, UK Border Agency, UNHCR). Le CAT accorde immédiatement l’effet suspensif à la requête et ordonne aux autorités suisses de suspendre l’exécution du renvoi de « Sudar » et de son fils jusqu’à décision finale.
À l’été 2013, peu après que le gouvernement suisse ait fait part de ses observations devant le CAT et rejeté les arguments de « Sudar », l’ODM suspend les renvois à destination du Sri Lanka après que deux ressortissants de ce pays aient été arrêtés à Colombo. Avant que le CAT n’ait rendu sa décision, « Sudar » et son fils obtiennent finalement l’asile au début de l’été 2014.
Lien vers la fiche descriptive de l’ODAE: http://www.odae-romand.ch/spip.php?article593
Cas Elisa-Asile soumis au Comité des Nations Unies contre la Torture (représentée par Jasmine Caye)