Améliorer l’organisation des renvois volontaires est possible !

Tout récemment, Valérie de Graffenried (1) nous parlait d’une idée qui ressurgit en politique suisse : celle de négocier des « contrats de reprise » de requérants déboutés dont les pays d’origines ne veulent pas avec d’autres pays tiers moyennant le paiement d’une indemnité. Ces pays accepteraient d’admettre sur leur territoire des personnes qui n’ont pas transité chez eux. Cette idée a été récemment présentée par un conseillé national tessinois, Mr. Romano Prado (PDC), parce que l’accélération des procédures d’asile ne sert à rien si les décisions de renvoi ne peuvent être appliquées. C’est Ruth Metzler (PDC) qui en 2003 avait tenté de signer un contrat de réadmission avec le Sénégal. Un flop !

Pas de « pays décharge » pour les requérants déboutés

Cette mauvaise idée ne doit pas aboutir, même si d’autres pays comme l’Australie et Israël ont réussi à signer de tels accords. Pour combien de temps ? La Suisse ne peut utiliser d’autres pays pour faire le tri de ses requérants déboutés. Certains déboutés sans papiers se trouveraient dans une situation encore plus vulnérable. La Suisse a trop de Mongols ? Le Qatar est d’accord de les prendre, mais comment seront-ils traités sur place ?

La solution doit être trouvée en Suisse. Il faut se rappeler que notre pays profite déjà largement des accords Dublin pour renvoyer des personnes vers l’Italie par exemple.

Chercher du côté de l’Organisation internationale des migrations (OIM)

Pour toutes les personnes déboutées de l’asile qui se trouvent dans les centres d’enregistrement et de procédure, l’OIM organise leur retour sur une base volontaire : en général cette offre est valable uniquement pour les personnes qui se trouvent aux centres d’enregistrement et de procédure (aéroports y compris). Cette offre comprend une aide financière, une réception à l’arrivée au pays, un accompagnement jusqu’au domicile et aussi très souvent une aide à la réintégration(2). L’Aide au retour n’est pas proposée aux personnes en détention administrative ni aux personnes déboutées qui sont à l’Aide d’urgence. C’est justement une partie du problème.

A l’aéroport de Genève, il arrive que des personnes déboutées souhaitent retourner vers leur pays d’origine avec l’Aide au Retour sans pouvoir en bénéficier. Leurs ambassades résistent dans l’octroi de laissez-passer lorsque ces personnes n’ont pas de passeport ou de pièce d’identité. Naturellement, beaucoup de requérants d’asile arrivent en Suisse sans passeport, une monnaie d’échange pour les passeurs qui les réutilisent. Et si les ambassades acceptent d’accorder des laissez-passer, elles le font en traînant les pieds et cela peut prendre plusieurs mois. Le temps nécessaire à leurs démarches dépasse le délai de rétention à l’aéroport de Genève (60 jours).

Or, la compétence de l’OIM ne s’étendant pas au-delà de l’aéroport, l’organisation renonce à proposer la possibilité de l’Aide au Retour pour des personnes qui n’ont pas de pièces d’identité lorsqu’elle sait que les démarches à l’ambassade seront longues. Ainsi il apparaît que même si la personne est d’accord d’attendre patiemment la terminaison des formalités avec l’ambassade dans un abri de la protection civile (PC), l’OIM n’activerait pas son service d’Aide au Retour depuis l’aéroport ce qui est dommage et peu constructif.

Proposition: L’OIM pourrait considérer une autre manière de procéder: le requérant débouté signe l’Aide au Retour à l’aéroport. Si les formalités à l’ambassade dépassent la date limite de rétention à l’aéroport, l’OIM reste en contact avec la personne concernée qui serait logée soit dans un centre de détention, soit dans un abri de la PC à Genève. Cette solution permettrait à certaines personnes de rentrer avec l’aide au retour sans être tributaire des lenteurs administratives de leurs ambassades. Le retour avec l’OIM permet aussi, en général, de ne pas être remis à la police du pays d’origine ce qui est très accommodant.

Si l’Aide au Retour ne fonctionne pas ?

Actuellement, les formalités avec l’ambassade du Pakistan sont problématiques. Une personne sans passeport qui souhaiterait rentrer au Pakistan, qui peut prouver, lors d’un entretien à l’ambassade, qu’il est bien originaire de ce pays, ne reçoit pas de laissez-passer suffisamment rapidement pour pouvoir bénéficier de l’Aide au Retour depuis l’aéroport. Concrètement, voici les solutions qui s’offrent à lui :

– Soit la police de l’aéroport sait qu’il est venu avec un vol de Qatar Airways ayant trouvé un billet imprimé lors de la fouille ou une autre preuve. Ce requérant débouté repartira vers le Qatar avec une «Covering Letter», sans papiers d’identité. Il sera remis aux autorités qataries et …Advienne que pourra. Les autorités suisses appliquent ici l’Annexe 9 (chapitre 5) de la Convention de Chicago sur l’Aviation civile (1944). Ce texte précise cependant qu’une personne ne peut être renvoyée dans un pays où sa vie, sa liberté seraient en danger (chiffre 5.4). Une petite note discrète qu’il faut garder à l’esprit si, par malheur, une personne devait être renvoyée vers un pays douteux en matière de droits humains. La police de l’aéroport n’a pas connaissance de cette petite disposition. Pourquoi?

– La police de l’aéroport procède à « une entrée en force » sur le Canton de Genève, le débouté recevra l’aide d’urgence et pourra loger dans un foyer ou un bâtiment de la protection civile. Dès qu’il sera arrêté par la police pour un contrôle d’identité il recevra très probablement une ordonnance pénale pour séjour illégal. Ce qui ne sert à rien sauf de l’impressionner pour qu’il traverse la frontière. Mais bon si en plus de ça il vole un pain, il se retrouvera peut-être un jour à Champ-Dollon.

– Enfin, même si l’Office cantonal de la population continue ses tentatives d’organisation du renvoi de cette personne vers le Pakistan, il est très probable que cela n’aboutisse jamais.

Pour conclure, il me semble évident, que la meilleure solution pour ce genre de cas, pakistanais ou pas, est d’obliger l’OIM à faire les démarches nécessaires auprès des ambassades afin qu’elles accordent des laissez-passer à des personnes qui depuis l’aéroport de Genève, souhaitent rentrer au pays.

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(1) Article paru dans Le Temps, « Requérants déboutés, idée PDC », Valérie de Graffenried, 21 mars 2014, http://letemps.ch/Page/Uuid/d6d5799c-b057-11e3-8fc9-d34b872d9eb8/Requérants_déboutés_idée_PDC

(2) Explications : sur l’Aide au Retour : http://www.ch.iom.int/fr/programme/sim.html
et aussi https://www.bfm.admin.ch//bfm/fr/home/themen/rueckkehr/rueckkehrfoerderung.html

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