Ce commentaire daté du 18 mars 2013 est cité sur Forum Asile avec l’accord de Fernand Melgar, http://www.facebook.com/fernand.melgar?ref=ts&fref=ts
Plusieurs lecteurs du Matin Dimanche ont été choqués par mes propos au sujet de la projection de Vol Spécial en Afrique, en particulier lorsque j’approuve le choix pour un jeune Burkinabè de rester dans pays pour prendre son avenir en main plutôt que de s’échouer au pied de la forteresse Europe. Certains ont même comparé mon discours à celui de l’UDC en dissuadant ces migrants potentiels de venir en Suisse. Pour ceux qui se bercent encore d’illusion sur la Suisse comme terre d’accueil pour les Africains, je me permets de relayer ce qui suit:
La politique d’asile tue
Alors que l’argent et les biens circulent librement dans le monde entier, des milliers de personnes meurent chaque année en tentant de rejoindre l’Europe. Selon le HCR, 1 500 réfugiés se sont noyés dans la Méditerranée en 2011. Ce sont encore beaucoup plus, si l’on compte les personnes qui meurent sur le chemin menant aux frontières extérieurs de l’Europe, ou si l’on compte celles et ceux qui décèdent à l’intérieur des frontières européennes.
Des risques calculés
Les récents durcissements de la loi sur l’asile vont encore accroître le nombre de victimes. Les autorités prennent sciemment des risques en construisant d’énormes camps de réfugiés, des camps spéciaux pour les réfugiés «récalcitrants», et en doublant les places de détention en vue des déportations forcées. La discrimination institutionnelle par la répression et l’incertitude constante qui règne rendent de nombreux demandeurs d’asile physiquement et psychiquement malades, et augmente le nombre de suicide.
Le nombre de décès va aussi augmenter suite à la suppression des procédures dans les ambassades. Dorénavant, encore plus de personnes seront à la merci des réseaux criminels qui règnent sur les routes migratoires. La Suisse participe annuellement à la militarisation des frontières européennes par des opérations Frontex de l’ordre de 9 millions d’euros. La crise humanitaire dans la région méditerranéenne parle d’elle-même.
Régime migratoire post-colonial
L’isolement de l’Europe contre les réfugiés est fondé sur des relations de pouvoir post-coloniaux. Depuis les années 1970, la mondialisation de la production et du commerce s’accroît. Les marchés se libéralisent et une grande partie de notre industrie est déplacée dans les pays à bas salaires – anciennement colonisés. Dans ces pays, la conséquence est l’expropriation des terres de millions d’agriculteurs et d’agricultrices et la destruction des marchés et des structures sociales locaux. De ce fait, de nombreuses personnes migrent vers l’Europe dans l’espoir d’une vie meilleure. Les entreprises européennes sont toutefois moins dépendantes de travailleurs peu qualifiés arrivant du Sud, à cause de la croissance du secteur tertiaire.
Dans l’espace Schengen, la libre circulation des personnes est la règle. Elle est célébrée comme un succès culturel de l’unité européenne, mais mène en faite à une forte concurrence des salaires – les dispositions sur la protection des conditions de travail n’étant pas assez fortes. La migration vers l’Europe est donc régie par l’admission d’un contingent de travailleurs hautement qualifiés, un contrôle accru des frontières extérieures et des déportations systématiques.
Mais les frontières ne pourront jamais être fermées complètement. Le secteur industriel à bas salaires, par exemple dans la construction, la restauration, l’agriculture et le secteur des soins, s’appuie sur un marché du travail hiérarchisé ethniquement et qui exploite illicitement les migrant-e-s. Les personnes ne se laissent ni décourager par des bateaux de patrouille ni par les camps pour réfugiés dans leur lutte pour la survie.
Discrimination institutionnelle, xénophobie et racisme
Etant donné les frontières militarisées, les systèmes de contrôle biométriques, les camps répressifs, les emprisonnements et les déportations forcées, les migrant-e-s non européen-e-s apparaissent comme une menace et comme des profiteurs. Avec les durcissements constants, l’Etat veut démontrer qu’il prend au sérieux « les craintes de la population » et défend « une politique d’asile crédible ». En même temps, on réduit le nombre de migrant-e-s, qui servent de boucs émissaires. Cette stigmatisation est cruciale pour les partis nationalistes et racistes. Ainsi, ils se présentent comme les défenseurs de la nation, de la sécurité et de la prospérité. Ce contexte nourrit et encourage le racisme.