L’association Humanrights.ch explique pourquoi les tests ADN préventifs sur les requérants d’asile ne se justifient pas

pointing-fingerEn Suisse, aucune loi n’autorise jusqu’ici les autorités à recueillir des échantillons d’ADN à titre préventif. Le Conseil National a adopté le 17 avril 2013 une motion du président du PDC Christophe Darbellay pour que certains requérants d’asile soient obligés de passer des tests ADN. Si le Conseil des Etats valide lui aussi la motion, le Conseil fédéral devra créer une base légale pour concrétiser cette demande. La raison derrière cette motion est que l’introduction de tests ADN pour les requérants d’asile permettrait d’élucider plus rapidement les actes criminels, voire d’en empêcher une partie. La motion prévoit la constitution d’une banque de données pour «certains» requérants, mais ne précise pas qui serait concerné exactement. Pour justifier sa proposition, le président du PDC s’appuie sur l’augmentation du nombre de délits et sur les statistiques policières de huit cantons, selon lesquelles 52% des prévenus dans le domaine de l’asile sont des requérants originaires de Tunisie, d’Algérie et du Maroc.

L’établissement du profil ADN des requérants se heurte à l’opposition du Conseil fédéral qui a recommandé de rejeter la motion en expliquant que cette mesure policière d’identification

ne peut pas être généralisée à tous les demandeurs d’asile, ni même simplement à un groupe d’individus, en ayant pour seule justification l’augmentation du taux de criminalité dans un domaine particulier.

On peut aussi se demander pourquoi les requérants d’asile devraient être seuls soumis à un prélèvement systématique de leur ADN alors que d’autres groupes de la population ou groupes d’âge à fort taux de criminalité ne le seraient pas.

La législation actuelle suisse fixe des limites à l’utilisation des données ADN d’une personne. Actuellement, les analyses ADN sont surtout menées dans le cadre de procédures pénales indépendamment de la nationalité de la personne concernée. Dans des cas exceptionnels un profil ADN peut être demandé dans une procédure administrative si la filiation ou l’identité d’une personne font l’objet de doutes fondés qui ne peuvent être vérifiés autrement. Elle nécessite notamment le consentement écrit de la personne concernée.

Le prélèvement d’échantillons d’ADN et leur enregistrement dans un système d’information représente une attaque sévère contre certains droits fondamentaux i.e. la liberté personnelle (art. 10 al.2 Cst), le droit au respect de la sphère privée (art. 13 Cst). Une restriction de ces droits doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (art. 36 Cst) et enfin une telle restriction doit être proportionnée au but visé et ne peut avoir d’effet discriminatoire.

Cette motion répond à un souci sécuritaire compréhensible. Cependant le fichage systématique d’un groupe de personnes contribuera à faire peser systématiquement le soupçon sur une partie de la population étrangère. Il serait disproportionné et discriminatoire.

Pour l’Association Humanrights.ch (www.humanrights.ch),

le fichage d’un groupe de personnes, sur la base de critères individuels, revient à le stigmatiser. Il n’a pas seulement des effets indésirables sur les personnes elles-mêmes mais aussi sur l’ensemble de la société, parce qu’il exacerbe la mise à l’écart de certains individus, les méfiances et peut conduire à d’autres formes de stigmatisation.

L’association cite Philipp Loser dans son commentaire pour le TagesWoche,

un de nos acquis les plus nobles est que nous pouvons tous potentiellement commettre quelque chose et que personne n’est plus soupçonné ou emprisonné à cause de son sexe, sa race ou de son apparence physique.

Cet article est un résumé de la prise de position de l’Association Humanrights.ch du 30.4.2013 (http://www.humanrights.ch/fr/Suisse/interieure/Protection/Securite/idart_9985-content.html). Voir aussi la position d’Amnesty International Suisse (http://www.amnesty.ch/fr/presse/opinions/docs/2013/ne-pas-banaliser-les-derives-populistes).

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